J'ai intitulé ainsi ce paragraphe pour rappeler à quel point on porte un enfant quand on prononce les premiers mots pour l'encourager ! Ces premiers "mots de reconnaissance et réconfort" sont précieux quand il doit se lever et repartir alors qu'il vient tout juste de faire ses premiers pas et chuter.
Les premiers mots, le premier geste, le premier regard, la première posture que nous allons lui accorder vont déterminer en grande partie la suite de sa progression. Même après une chute, les mots aident à grandir ou bien "abattent davantage"...
Quels mots dire alors à une personne qui vient de vivre un épisode "critique", quel geste sachant qu'il peut TOUT changer ?
Oui, en psychotraumatologie, c'est comme pour les incidents/accidents "classiques". Il y a les premiers gestes de secours, ceux qui sauvent une vie, parfois un peu difficile à accomplir mais qu'on trouve le courage de faire pour sauver l'autre...
Pour le cerveau, c'est la même chose ! Chacun de nous devrait être attentif à ses premiers mots, son premier regard, ses premières attitudes face à quelqu'un qui vient d'être "secoué voire choqué". Dans les minutes suivantes, on est fragilisé, un peu comme à la "merci" des autres et si le regard est bienveillant et soutenant, si les mots sont dits avec bienveillance et solidité/confiance, si une main est habilement tendue, alors l'après va changer. Les premiers gestes participent à la prévention du "PIRE". S'ils sont faits de soutien psychosocial, de solidarité, et dans une attitude salutogène (tournée vers le salut et pas la victimisation), alors la personne va résilier et digérer cet épisode.
A l'inverse, un regard "négatif", détourner son regard, crier, dramatiser et perdre soit même sa contenance, peut être le facteur "traumatique". Combien de fois, l'élément traumatogène n'est pas "le fait / accident, aggression..." en question mais la réaction des autres à la suite ! Au moment même où la personne est "fragilisée" par une première secousse, elle ne réalise pas toujours ce qui arrive et c'est par le regard des autres qu'elle perçoit souvent la "gravité" de sa situation!...L'autre doit donc travailler ce qu'il reflète de la situation, sans y ajouter ses propres perturbations ! Un véritable challenge ? Non, un apprentissage à savoir faire et être dans une posture salutaire et solidaire.
Les premiers mots, les premiers gestes, le développement d'une attitude solide s'apprennent : il s'agit de se préparer, savoir gérer son stress, apprendre à "normaliser" les faits sans minimiser ni dramatiser (travailler sa voix, sa capacité à restituer des éléments factuels), à formuler ses phrases de façon positive et simple, à savoir apaiser l'autre et à lui rendre rapidement du "BON CONTROLE" sur sa vie, à l'aider à COMPRENDRE "COMMENT cela est arrivé" et à le centrer ensuite vers CE QUI EST IMPORTANT pour lui, maintenant et pour le futur !
Je vous propose des journées formation, centrées sur ces objectifs : savoir bien réagir et agir face à la détresse de l'autre.
Les premiers mots, un modèle simple fait de bon sens, d'efficacité linguistique et des modèles éprouvés (CARE et STOP) :
- REAGIR et donner du soin (CARE) avec du bon sens et de la méthode (bons mots, bons gestes, bons regards).
- AGIR et rendre autonome (STOP = SECURISER, TALK-faire COMPRENDRE/PARLER-ORGANISER la suite et donner du contrôle et retrouver ses PAIRS-soutien psychosocial usuel).
Après un épisode difficile, il est crucial de reprendre le CONTROLE de sa santé, avoir des éléments de COMPREHENSION pour apaiser son cerveau (et tout ceci évite le sentiment d'impuissance et de victimisation) et ensuite, donner du SENS à cet évènement "quitte à en dire, il me fait réaliser que je suis en vie !" et l'intégrer dans le "cours de sa propre vie".
Derrière ces premiers mots, vous penserez en permanence : CCS, Contrôle, Compréhension et Sens pour rendre à la personne ce qu'on appelle la "COHERENCE DE SOI" ou SOC (Sens Of Coherence) !
NB : Il y a plus de 30 ans (hé oui!) le sociologue médical américano-israélien Aaron Antonovsky conçut le modèle conceptuel de salutogénèse et associa la notion-clé de sens/sentiment de la cohérence (Sens of cohérence, SOC). Selon une métaphore d’Antonovsky, cela décrit la capacité à nager dans la rivière de la vie – ou moins poétique, le sentiment que la vie est harmonieuse et peut être organisée. Le sens de la cohérence se manifeste à trois niveaux, la "compréhensibilité", la "gérabilité" et la signification : le monde est compréhensible, si vous pouvez classer les messages de votre propre corps, de vos pensées et de vos sentiments, interpréter les informations de l’environnement correctement et aussi voir les problèmes dans un contexte plus large. Le monde est gérable si vous avez les ressources physiques psychologiques, matérielles et psychosociales suffisantes pour faire face à ses exigences. Le monde est significatif lorsque nous sommes sûrs de notre propre valeur, que la vie est considérée comme étant pleine de sens, et que nous nous y engageons.